Partir en Iran, pour la première fois. 

En préparant mon voyage j’ai regardé en vrac des images de terres et de villes iraniennes, la carte du pays entre les mains. 
Tout m’attirait. Tout me parlait. Mais un jour lors de mes recherches, j’ai aperçu les toits en adobe de la ville de Yazd. 
La ville des badgirs, la «ville des capteurs de vent». Je l’ai reconnue sans y avoir mis les pieds, comme si toutes ses ruelles tortueuses m’appelaient depuis Paris. C’était à Yazd qu’il fallait aller. Se perdre en plein milieu du désert, dans le labyrinthe d’une des plus vieilles cités au monde. Alors à Yazd, je me suis posée. 

A Yazd, j’ai rencontré Abbas, Farzane, Amir, Sadegh, Maryam et tant d’autres… 

De Yazd, je ne suis jamais complètement revenue.  

Chère jeune fille, 

Je t’ai croisée un matin dans ma ruelle préférée, comme un mirage. Muette, et pourtant tu m’as parlé. J’ai lu dans tes yeux, dans ta main crispée, tout ce que tu voulais me raconter. J’ai senti que tu te livrais à moi. J’ignore si tu étais arabe ou persane, mais dans ton regard j’ai reconnu une autre jeune fille que j’ai bien connue. Drapée de noir satiné, perdue et incertaine, incapable de s’exprimer avec des mots. Je t’ai photographiée mon cœur battant à la chamade, consciente que le moment était important et unique. Puis tu as disparu dans le chemin derrière moi, et j’ai mis plusieurs minutes à retrouver mes esprits.

De retour à Paris, sur mes planches-contact tout juste tirées, tu es la première image que j’ai cherchée. Soulagée d’avoir la preuve que ce moment intense avait bien existé.

Diplômé de biologie marine, Abbas (ci-dessus) est également poète. Il rêve de quitter sa ville natale pour se rapprocher de la mer, moindre consolation car il ne peut exercer son métier, faute de subventions gouvernementales. En attendant de finaliser son douloureux divorce, il partage son appartement de Yazd avec le ténébreux Sadegh (ci-dessous), décorateur d’intérieur et joueur de poker invétéré.

En plus de sa licence d’architecture et de son master en rénovation des monuments historiques, Farzane est aussi pilote de rally automobile. Elle s’entraine dans un club masculin, sur des pistes adaptées à la sortie de la ville. Sa famille soutient sa passion pour les voitures. Pour Farzane, cette décharge d’adrénaline est également un moyen de prouver que les femmes ne valent pas moins que les hommes. 

Le barbecue chauffe. Pendant ce temps, Sadegh et Amir, le meilleur ami d’Abbas, partagent un verre d’arak. L’alcool s’achète sous le manteau en Iran, le plus souvent à des familles arméniennes. Photographe de mariage et de mode, Amir aime photographier les femmes mais il doit s’en cacher. Ce genre de collaboration est très mal vu, quand bien même ses modèles portent le voile réglementaire. Malgré les menaces de la police locale à son encontre, Amir n’abandonne pas sa passion et photographie ses muses dans le désert ou des villages abandonnés, à l’abri des regards.

Avant-dernier soir à Yazd.
Le débat est lancé. À gauche, Abbas tente d’expliquer à Sadegh pourquoi certaines femmes préfèrent les femmes. Sadegh a du mal à se faire à l’idée, il écoute mais reste sceptique. Morteza est mystérieusement calme et silencieux, comme à son habitude. Je n’ai pas su ce qu’il en pensait. À droite, Farzane et Maryam s’enthousiasment de partager cette conversation avec les garçons et mettent en avant leur soutien à la cause LGBT. Amir s’en amuse. Ces femmes là, lui aussi il les comprend bien.